« Un jour j’irai sur la Lune avec toi… toutes les nuits déconner ! »
Où l’art du teasing en matière de lancement presse grand public
Un pitch pas comme les autres
Nous sommes à la fin de l’été 2002 (Facebook naîtra en février 2004, Twitter en mars 2006) et une des premières campagnes de relations presse à gérer « on my own », marque de confiance de l’agence de l’époque, Eliotrope que je salue très amicalement au passage, fait certainement partie des projets les plus fous, médiatiquement parlant, qu’il m’ait été donné de médiatiser.
Une société américaine du nom de MoonEstate.com et qui lance son pendant en France, LuneImmo.com, mandate notre agence pour faire connaître à notre pays son produit phare : des parcelles lunaires.
Des acres de lune, oui vous avez bien lu.
À vendre.
Lorsqu’on sait qu’un acre c’est 4046.8564224 m2…
Ca fait briller les yeux… Ca fait une grande villa non ? J
Lorsque je rencontre le client, ma première question est « À qui appartient la Lune ? ».
Il m’explique qu’un traité international de 1967, signé par 125 pays, dont la totalité des « puissances spatiales », interdit toute appropriation de la Lune. Mais qu’un second traité rédigé en 1980, qui prohibait explicitement la vente de terrain aux ONG, entreprises et particuliers, n’a quant à lui été ratifié que par douze pays.
C’est ce flou juridique qui permet de vendre légalement des concessions lunaires à des personnes privées, et pas seulement aux excentriques de la Lunar Embassy fondée par un certain Denis Hope vers 1980, qui ouvre désormais son site internet en France, LuneImmo.com, permettant à chacun de devenir propriétaire lunaire.
Et une communication décalée pour sortir des sentiers battus, attirer l’attention
Définir la cible presse
L’idée est carrément loufoque mais pourquoi pas (en 2011, Richard Branson nous proposera bien des voyages en apesanteur dans une capsule biplace pour 150 000 000 $), le client est ultrasympa, mais je me demande quand même : comment vendre ce sujet aux journalistes sans passer pour des ‘perchés’ ?
Dans les relations presse, comment intéresser la presse lifestyle et les média audiovisuels pour que les lecteurs aient l’idée de se rendre sur le site internet et mieux encore : devenir propriétaires d’un terrain sur la lune ?
Quels journalistes cibler : la presse immo ?
La PQN ?
La presse grand public ?
La presse gestion de patrimoine ? J …
Puis une date de lancement appropriée
Est définie une date de lancement, ce sera le 5 septembre 2002.
Bim ! Pile poil pour la rentrée, ça nous changera des éternels sujets back to school, le prix des fournitures et les cartables trop lourds pour ces milliers de nains qui reprennent le chemin de l’école.
Un message et une tactique
Fin août 2002, nous adressons un premier teasing par courrier à une centaine de journalistes susceptibles de traiter le sujet. C’est un visuel A4 sur papier glacé noir et blanc qui montre un cosmonaute assis contre la Terre tranquille, buvant un coup ; il est écrit en haut à gauche « Les pieds sur Terre ». Rien de plus. Le courrier n’est pas signé.
Le premier jour de septembre, ces mêmes journalistes reçoivent un second message : un visuel A4 sur le même thème mais cette fois le cosmonaute est debout pointant du doigt la Lune surplombée de six mots « Et la tête dans la Lune ».
Dans l’enveloppe a été glissée une petite pochette de velours noir sérigraphiée d’une Lune dorée, tel un écrin renfermant un bijou. Elle contient quelques petites pierres blanches qui rappellent forcément la Lune. Cette fois-ci, le courrier est signé.
Gérer la relation journaliste, être prêt à leur répondre
Et les réactions de la centaine de journalistes ciblée qui se sont rendus sur le site web par curiosité ne se font pas attendre. Mon téléphone sonne, il n’a jamais autant sonné. Fière comme un bar tabac, je me dis « ce métier est génial : des journalistes que je vois chaque jour à la télé, dont je lis tant de papiers m’appellent pour me demander des infos, à moi ! ».
Sauf que je me fais allumer « Mais de quel droit ! » « Pour qui vous prenez vous ? »
Oui car, comme d’habitude, on pense que je suis (de) la marque.
« La Lune comme l’espace ne peuvent faire l’objet d’aucune appropriation. Son exploration et son utilisation sont l’apanage de l’humanité toute entière ».
Oui, bon on se calme, c’est juste une idée cadeau sympa, oui ok le contexte d’appropriation de l’espace céleste reste flou et oui, ce journaliste de l’Humanité a évidemment raison lorsqu’il évoque à l’époque « la marchandisation du monde ». Mais souvenons-nous, il y a presque un an, le monde entier pleurait les attentats du 11 septembre 2001, les plus meurtriers jamais perpétrés. On s’en est pris plein la tête.
Alors, on se détend, on sourit un peu ?
La couverture presse a été incroyable. Je ne dirai pas que tous les articles étaient en mode positif mais, le but étant de faire du bruit, le client connaissant les axes sur lesquels il serait topé : la mission fut accomplie avec brio.
Depuis, Lunar Embassy affirme avoir vendu plus de 2 millions de parcelles, même si aucune institution sérieuse n’a jamais reconnu la validité des titres émis.
L’entreprise tient la liste de ses clients confidentielle, sauf pour 250 personnalités très connues, notamment deux anciens présidents des Etats-Unis et une quinzaine d’acteurs de la série Star Trek qui font partie des heureux propriétaires lunaires.
Je suis moi-même la bienheureuse propriétaire d’un acre de Lune, mais j’ai tellement de boulot que je n’ai pas encore eu l’occasion de visiter mon domaine, qui se trouve juste à côté de … 🙂 ?
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1 Commentaire
Vacalistaripe dit: 23 Mai 2016
Très bon article, bonne continuation !