Prosperity without growth : la prospérité sans marketing ?
J’ai lu récemment l’essai de Tim Jackson « Prosperity without growth: economics for a finite planet », qui a d’ailleurs été traduit aux éditions de Boeck. Pourquoi une telle lecture dans un blog consacré au marketing digital ? Parce que dans le prolongement de mes articles sur le marketing 3.0, je continue à m’interroger sur l’avenir du marketing dans une société en transition, où la croissance et la consommation sont remises en question.
Quels sont les enseignements de ce livre?
Cet ouvrage pose avec éloquence la situation paradoxale de notre société actuelle.
- La croissance est une condition de survie indispensable de nos sociétés capitalistes. Sans croissance, du fait des progrès constants en matière de productivité, le chômage se creuse, avec son lot de conséquences : pauvreté, inégalité, insécurité, etc., et peut-être même, à terme, révolution.
- Néanmoins, la croissance met en danger notre écosystème. Nous consommons déjà plus que ce que la planète sait fournir. Si nous continuons à croître et si tous les habitants de la planète atteignent le niveau de vie des Américains, les limites physiques de la planète vont être dépassées, avec des effets encore plus dramatiques : changement climatique, désertification, inondations, guerres, famines, etc.
Les politiques et tous les acteurs de la société civile, parmi lesquels les entreprises, se retrouvent donc pris entre le marteau et l’enclume sans réelle échappatoire.
La solution proposée par Tim Jackson, professeur de développement durable au « Centre for Environmental strategy » (CES) à l’Université du Surrey, est de dissocier « croissance » et « prospérité ».
En effet, la prospérité ne se limite pas à sa définition économique (voir Wikipedia) et adresse toutes les conditions du bonheur. Force est cependant de constater que la croissance économique est de moins en moins synonyme de bonheur, du moins dans les pays développés où les conditions matérielles du bonheur (manger à sa faim, avoir un toit, vivre en sécurité, etc.) sont globalement satisfaites. En effet, l’accroissement des inégalités, de l’insécurité et du stress au travail, de la solitude et de la perte de liens sociaux, nuisent plutôt au bonheur du plus grand nombre tout en étant des conséquences naturelles de la croissance dans une société de Winner Take All.
Atteindre la prospérité sans la croissance
Ainsi, il serait possible d’atteindre la prospérité sans la croissance économique, en changeant les grands principes macro-économiques, et notamment l’indicateur de référence qu’est le PIB, incapable de prendre en compte les externalités négatives de l’économie (pollution, etc.). L’idée consisteraut à introduire un nouvel acteur dans les échanges : l’écosystème. Il s’agit ainsi de passer d’une économie où seuls les entreprises et les ménages sont pris en compte…
… à une économie liée qui prend en compte l’écosystème:
Ce qui conduirait en résumé à conduire trois actions macro-économiques majeures :
- mener une transition structurelle vers les activités de services qui ont un faible impact écologique ;
- investir dans les biens environnementaux : isolations, énergies renouvelables, etc. ;
- mettre en oeuvre des politiques de réduction du temps de travail (comme quoi les 35 heures tant décriées n’étaient peut être pas si absurdes).
Et du point de vue du marketing digital, quelles en sont les conséquences?
Tout d’abord, le digital et Internet ne sont pas du tout pris en compte dans cette perspective de transition. Ce qui de mon point de vue est un biais majeur. En effet, Internet, les nouvelles technologies de communication tout comme la dématérialisation sont en train de changer radicalement et en profondeur toute l’économie, la façon de faire des affaires, l’impact environnemental de la croissance et même les indicateurs de réussite économique (e-reputation, etc.). Ne pas en tenir compte revient à proposer des solutions avec les outils du 20ème siècle uniquement : dans ce contexte, l’équation peut paraître sans appel.
Néanmoins, même en prenant en compte le digital, les trois conclusions restent pertinentes car le digital ne résoudra pas tout, et surtout pas les questions liées à l’impact sur l’emploi.
Ainsi, du point de vue d’une étude marketing, mieux vaut se positionner sur les activités de services (cela tombe bien : c’est là où l’Inbound Marketing excelle) et sur les technologies et les services durables (qui demandent souvent beaucoup de pédagogie, encore un bon point pour l’Inbound Marketing). Sur la question du temps de travail, je n’ai pas d’idée pour faire le twist et rebondir sur l’Inbound Marketing, quoi que ? En effet, qui dit moins de temps de travail, dit plus de temps pour lire les blogs et se former 😉
Et vous, qu’en pensez-vous ? Comment voyez-vous l’avenir ? Prospérité sans croissance ou croissance sans prospérité ? Inbound marketing ou pas Inbound marketing ?
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3 Commentaires
Nicolas R. dit: 05 Jan 2013
C'est passionnant et j'en ai profité pour acheter l'édition anglaise électronique. Je suis clairement en train de m'orienter "downshifter", je n'arrive pas à être en accord avec la société actuelle....
Côté Marketing, je pense que les deux sujets sont étroitement liés et c'est l'avènement de l'Inbound Marketing avec des relations authentiques et plus de spam ou de pub à outrance.
Gabriel Dabi-Schwebel 05 Jan 2013
Merci Nicolas pour ton commentaire. Dans la foulée de cette article je prépare un article sur le livre Abundance de P. Diamantis. Le propos est très différent mais la problématique est la même. Le juste milieu est sûrement entre les 2: une part de décroissance ou plutôt de de-consommation et une part de progrès technologique exponentiel (digital, biotech, nanotech, energies renouvelables, etc.). Le tout assez rapidement on espère pour ne pas vivre un effondrement (cf. Livre de Jared Diamond). Au plaisir de prolonger cette discussion.
Bien cordialement,
Gabriel
Hortense dit: 03 Jan 2013
Un article très intéressant qui confirme la tendance qualité/quantité actuelle. Je lisais hier un article sur les "downshifters", ces gens qui décident d'être moins ambitieux, de travailler moins pour vivre mieux, se consacrer plus à leur vie personnelle, associative, etc. Et cela me fait rebondir sur ce que vous disiez sur les 35 heures car on oublie souvent que les gens qui travaillent moins peuvent se consacrer à des activités humaines importantes : soutenir ses proches, se consacrer à des associations, etc.
Est-ce la fin du système qui sonne comme la chanson d'ABBA "the winner takes it all" ? Côté marketing, on voit également la tendance : au lieu d'une publicité répétitive et pas franchement enrichissante sur le plan intellectuel, on va préférer des happenings humains en faisant sauter un homme de l'espace (Stratos Red Bull cette année). Faire de l'évènementiel humain, festif et mobilisant peu de ressources énergétiques si possible, c'est peut-être la voie (et Lao Tseu a dit qu'il fallait trouver la voie ! cf. Tintin et le lotus bleu).
Merci pour cet article en tout cas, ça fait réfléchir dès le matin !