LegalTech : de l’uberisation à la complicité, le positionnement perçu évolue
Près de 15 ans que les legaltech ont fait leur apparition sur le marché du droit en France.
Sans parler de disruption, un terme exagéré car ce secteur s’est longtemps préservé des impacts de la transformation numérique, on peut affirmer que le constat est désormais unanimement partagé : les évolutions technologiques transforment en profondeur à la fois la pratique du droit et l’exercice de la justice.
De fait, pas une solution innovante qui n’affiche, tel un leitmotiv, cette promesse vertueuse de » faciliter l’accès à la justice et réduire les coûts ainsi que les délais » !
Pénalisée au départ par un malentendu sémantique – on connaît en marketing l’importance des mots et du sens qu’ils projettent – la legalTech se transforme et s’allie avec les acteurs métiers.
Littéralement » technologie du droit « , le terme de Legaltech vient des pays anglo-saxons qui l’utilisent depuis 2000 pour désigner les entreprises qui fournissent aux avocats les outils martech d’aide à la gestion, comme la facturation, le classement de documents, la comptabilité, etc.
Une erreur dans le message de départ
Cependant en France, ce terme est arrivé avec une nouvelle génération d’entrepreneurs offrant des services directement à destination des justiciables ! Aussi, ces startups que l’on a donc appelé » les legaltech » – du nom de leur technologie – en s’adressant d’abord au client final ont vivement inquiété, pour ne pas dire » braqué » la plupart des acteurs traditionnels !
La confusion entre les termes » legaltech « et » uberisation » ou encore » startup du droit « et » désintermédiation « s’est durablement installée.
C’est un malentendu dont l’écosystème tout entier a pâti. L’appropriation par les professionnels du droit de ces nouvelles solutions génératrices de productivité s’en est trouvée freinée, tout comme la confiance des investisseurs. Sans parler de la communication des fournisseurs historiques de logiciels métiers qu’il a fallu rectifier pour expliquer au public qu’ils étaient bien au cœur de l’écosystème legaltech, sans être une startup. C’est ce qu’exprime très bien Dan Kohn, directeur de la prospective en disant : » Secib est la première des Legaltech, mais à l’époque on disait : éditeur de logiciels technologiques pour les métiers du droit ! »
Le justiciable tel un « consommateur de droit »
Il est vrai qu’en fournissant au « consommateur de droit » une riche palette de prestations juridiques (comment rédiger les statuts de son entreprise ou son pacte d’actionnaires, déposer sa marque, procéder à une embauche, choisir son avocat ou déposer un recours, etc.), les nouvelles plateformes ont répondu à une véritable attente en simplifiant l’accès et en cassant les prix.
Cette stratégie » BtoC » a notamment permis d’ouvrir de “ nouveaux marchés d’utilisateurs “ qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises, ceux qui – par culture, manque de temps ou peur des coûts – n’interrogeaient pas les avocats jusqu’alors.
De ce point de vue, les legaltech œuvrent pour la démocratisation du droit. Avoir le sentiment de travailler pour l’intérêt général fait aussi partie de ce qui motive une jeune génération en quête de sens.
Des professionnels » augmentés «
De fait, les acteurs du droit ont presque tous intégré qu’au-delà de les rendre plus productifs, la technologie élargit le spectre de leurs services et concentre leur activité d’expert sur des tâches à haute valeur ajoutée.
Désormais les legaltech deviennent les alliées des professions juridiques, réfléchissent en BtoB et développent des marques blanches. Elles conjuguent au futur en promettant un bel avenir aux juristes » de demain » et aux » avocats augmentés « , une formulation qui a même été employée par le Conseil National du Barreau.
L’exemple de madecision.com illustre bien cette tendance. Cette plateforme indépendante d’arbitrage et de médiation en ligne, allie la compétence des experts du réseau Eurojuris France avec une technologie de pointe développée par la legaltech ejust. Il faut dire qu’avec une durée moyenne de 15 mois pour une procédure de contentieux d’impayé en appel : il faut une solide motivation pour attendre la résolution d’un litige par la voie judiciaire !
Anne-Sophie Raynault, directrice du développement de ejust, emploie l’expression de « re-judiciariser la procédure » en s’adressant précisément à de nouveaux utilisateurs : les détenteurs de petites créances qui hésiteraient à entamer une démarche judiciaire.
Cette contrainte temps constitue, d’ailleurs, un obstacle à la création d’entreprise pour 71% des dirigeants de TPE-PME, d’après un sondage réalisé par OpinionWay en mars 2019. Le Ministère de la Justice en a conscience et encourage dans son projet de réforme ces nouveaux « modes alternatifs de résolution amiable des différends » (MARD).
Pourtant » force est de constater que ceux-ci demeurent encore peu connus du grand public ! » constate Sophie Clanchet, la présidente du réseau Eurojuris, dans son propre communiqué.
Communiquer : l’enjeu stratégique tient en un mot.
Besoin de structurer le secteur
A la recherche de lisibilité et visibilité
Lorsque l’écosystème LegalTech se cartographie, la segmentation se fait sur la catégorisation des produits et rarement en fonction des marchés-cibles prioritaires (particuliers, entreprises et professionnels du droit) qu’on fait se superposer.
De la rédaction d’actes et de documents juridiques, à la justice prédictive en passant par la mise en relation etc. plus d’une quinzaine de catégories de solutions s’adressent aussi bien aux professionnels qu’aux particuliers. Toujours difficile de s’y retrouver.
Selon une infographie du Village de la Justice – 28/11/2018 : les particuliers sont visés par 45% des acteurs du secteur. Ce sont les avocats qui semblent être la clientèle la plus convoitée par les start-ups de la LegalTech (62%) juste devant les entreprises (58%).
Prioritaires les cabinets d’avocats ? Pourtant ils semblent souvent à la traîne dans leurs usages par rapport aux attentes des clients. Nombreux sont les professionnels du marketing digital qui les exhortent à enrichir et inventer une expérience utilisateur conforme aux attentes.
N’ont-ils pas conscience qu’il s’agit pour eux « d’être là où vont les particuliers et les entreprises en quête d’une aide juridique ? » comme l’explique Philippe Wagner, co-fondateur de Captain Contrat dans le Monde du droit du 4 septembre 2019.
Si l’on interroge, par exemple, les plateformes facilitant leur mise en relation avec les justiciables, les avocats sont encore trop nombreux à ignorer ce type d’outils, l’opposant au sacro saint bouche à oreille. Bertrand Pigois, le co-fondateur de Meet laW, une solution de prise de RDV en ligne du groupe Septeo, s’exprimait sur Affiches parisiennes en juillet dernier : » nos équipes ont comptabilisé depuis le 1er avril plus de 1600 recherches d’avocats non abouties en France ! Notre mission est de transformer ce potentiel de RDV perdus en l’intégrant aux agendas de nos avocats abonnés »
Une première place de marché, un premier influenceur YouTube
Constatant la difficulté pour un directeur juridique ou un professionnel libéral (avocat, notaire, huissier, etc.) d’identifier quelle solution répond à ses besoins , Seraphin Legal, a créé une boutique en ligne : le Legal Tech Store (Mars 2019, Décideurs)
Cette Marketplace ne prétend pas à l’exhaustivité – il existe plus de 300 acteurs de la legaltech à ce jour en France, proposant des spécialisations et services variés mais inégaux dans leur efficacité – indique son fondateur, Thomas Saint-Aubin : » Nous avons choisi de nous adresser aux innovateurs du droit et de sélectionner le meilleur du marché (environ 10%) via un comité de gouvernance sur une liste de critères objectifs : historique, références, éthique, etc. »
On y retrouve aussi bien les locomotives du secteur, Legalstart et Doctrine, que de jeunes pousses comme la place de marché de propriété intellectuelle IP transfer. Avec un business model d’affiliation, Legal Tech Store a le mérite d’être un agrégateur qui labellise, fédère et facilite la visibilité, avant d’être une plateforme génératrice de CA (en savoir plus avec mon interview de la directrice du projet).
Une fois référencées, qui pour faire un Benchmark des différentes solutions ?
C’est précisément la promesse d’un jeune influenceur : » vous êtes perdus dans la forêt des Legal Tech ? Des professionnels du droit testent pour vous les dernières Legal Tech du marché »
Arthur Sauzé a une double casquette d’avocat/chef de projet, ce qui légitime la pertinence de ses » Battle » en vidéo . Dès la diffusion du premier comparatif de 3 solutions de robotisation de contrats, il a reçu suffisamment de demandes pour remplir son agenda jusqu’à la fin de l’année !
L’ambition du collectif pour séduire les investisseurs
En créant, en juillet dernier, un groupe réunissant les pépites françaises de la LegalTech, l’association France Digitale – qui réunit près de 1 400 start-up et investisseurs français du numérique – s’est donnée pour objectif de faire émerger les start-up les plus prometteuses et structurer le secteur.
Souhaitons à cette French LegalTech qui fédère déjà 24 entreprises une belle réussite dans ses ambitions, et remarquons avec Nicolas Brien, DG de France Digitale que » la France a des atouts formidables pour devenir un leader en matière de LegalTech, avec près de 160 entreprises. Notre pays compte la plus grosse communauté de Legal Tech en Europe, le deuxième pays européen, le Royaume-Uni, n’en comptant lui que 47 « .
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