Révolution dans la chaîne publicitaire : un article publié dans le Monde
ANNONCEURS, MÉDIAS, ET AGENCES REDISTRIBUENT LEURS RÔLES
La chaîne de la valeur de la communication et des médias explose de toutes parts. Le digital a tout chamboulé : destruction de valeur, écrasement des marges, déplacement de l’audience, changement de modèle économique, aucun acteur n’est épargné !
La distribution des rôles aujourd’hui remise en cause était traditionnellement la suivante : les médias constituaient une audience de qualité, produisant, agrégeant et diffusant du contenu à destination de celle-ci. Leur préoccupation était essentiellement éditoriale : faire du bon contenu, avec une ligne éditoriale captivante et fidélisante. Leur revenu découlait de la vente directe d’une part (au numéro ou à l’abonnement), et de la publicité d’autre part. Les régies vendaient des espaces publicitaires bien identifiés et réglementés : des spots de pub, des pages ou des demi-pages, des bannières publicitaires. Leur préoccupation était uniquement commerciale : vendre plus, avec la meilleure marge, mais avec des écarts tarifaires souvent très importants entre le brut et le net.
Les annonceurs achetaient de l’espace publicitaire pour promouvoir leurs produits ou services. Leur préoccupation était de séduire le maximum de consommateurs potentiels pour dynamiser leurs ventes. Les agences étaient des intermédiaires entre les annonceurs et les régies en se chargeant de la conception, de la réalisation et de la diffusion des campagnes de publicité. Leur préoccupation était, comme tout intermédiaire, de faire la meilleure marge entre les deux, gagnant à la fois sur la production des campagnes et sur l’achat d’espaces.
LES ANNONCEURS DEVIENNENT LEURS PROPRES MÉDIAS
Mais aujourd’hui, les annonceurs, qui avaient l’habitude à opter pour l’achat média traditionnel, deviennent leurs propres médias. C’est l’évolution la plus significative de ces dernières années. Les annonceurs reprennent la main sur leur communication et ne sont plus tributaires des médias ou des agences. Les marques disposent désormais d’un espace de communication illimité sur le Web et les réseaux sociaux, à elles de l’occuperavant de se préoccuper des médias tiers. Il faut répondre à l’ensemble des questions que se pose un internaute, créer et promouvoir une identité, constituerune communauté, partager et faire rayonner les valeurs de sa marque.
Face à cette évolution, chaque maillon de la chaîne de valeur doit se réorganiser, autant que faire se peut.
Les médias deviennent des agences : ils vendent de plus en plus d’opérations spéciales et de contenus sponsorisés réalisés pour et avec les marques : habillages dédiés, cahiers spéciaux, etc. La publicité sort du cadre où elle était cantonnée et vient s’insérer dans la partie éditoriale. Ce n’est plus de la publicité, mais ce n’est plus non plus de l’éditorial… Une savante négociation s’insinue pour « parler de, sans parler trop »… Tout est alors une question de dosage pour ne pas éveiller les défenses du consommateur et le faire fuir…
Les régies et les agences d’achat d’espaces, elles, s’y perdent, coincées entre les plates-formes d’enchères et les éditeurs, qui se mettent à faire leur métier et àvendre directement des opérations aux annonceurs.
QUE DEVIENNENT LES AGENCES ?
Si les annonceurs deviennent des médias et les médias des agences, que deviennent les agences ? De mon point de vue, les agences qui survivront seront celles qui sauront accompagner les annonceurs dans leur transformation en médias. Elles seront alors productrices déléguées ou éditrices déléguées pour le compte de l’annonceur. On ne parle d’ailleurs déjà plus de « campagne », opération limitée dans le temps et le plus souvent « one-shot », mais de grille de programmes, de calendrier de publication, de récurrence, de série. La relation avec les consommateurs et l’ensemble des parties prenantes n’est plus éphémère mais durable et doit l’être de façon cohérente. Il ne s’agit plus de faire des « coups », mais de tisser du lien, d’apprivoiser sa communauté, comme le Petit Prince apprivoise le Renard, avec du temps et de la patience. Il s’agit d’avoir une discipline pourproduire et créer des rendez-vous réguliers, tout en maintenant la qualité. C’est ce qui faisait le succès d’un média, c’est ce qui fait la réussite d’une marque aujourd’hui !
La relation entre annonceur et agence doit donc évoluer. Le rapport au temps n’est plus le même, et le partenariat marque-agence doit être renforcé. Soit la marque se structure pour faire le travail d’agence en interne, comme le fait Red Bull avec son entité Media House, soit la marque fait confiance à son agence, éditrice ou productrice déléguée. Mais cette confiance doit elle aussi s’inscrire dans le temps, afin de permettre à la ligne éditoriale de s’installer et à l’audience de se constituer.
Le processus traditionnel « brief »-consultation-réponse, extrêmement chronophage et coûteux pour tout le monde, doit être révisé. Il est adapté aux opérations « one-shot » – on prend, on jette -, mais il ne peut être identique pour sélectionner une agence, éditrice ou productrice déléguée. Il faut que les agences se spécialisent, proposent une offre qui leur est propre, un format ou un programme. Non pas une spécialisation par compétence, qui donnerait des résultats parcellaires – rédactionnel ou vidéo, Facebook ou Twitter, CRM ou e-mailing, etc. -, mais une spécialisation systémique. Il faut que les agences mettent en place des processus complets, parfaitement maîtrisés, et adaptés aux problématiques des clients.
Les cartes sont en train d’être rebattues et il n’y aura pas de place pour tout le monde. Les positions dominantes d’hier ne seront pas celles de demain. A chaque acteur de tenter sa chance…
Cet article a été publié dans le cahier Eco du Monde daté d’hier Mardi 23 juillet sur la Révolution dans la chaîne de la valeur publicitaire.
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5 Commentaires
Nico dit: 24 Juil 2013
Bonjour !
Si je suis totalement d'accord sur le fait que le fonctionnement des appels d'offres et compétitions doit être révisé, et de nombreuses démarches sont en cours notamment dans les UCC en province, je pense que l'article mêle deux choses assez différentes: La publicité et le brand content !
Car si, de nombreuses marques deviennent "média" comme c'est indiqué dans l'article, elle n'en demeure pas moins toutes annonceurs avant tout sur des écrans publicitaires traditionnels (Redbull en premier) ...
Si le brand content permet en effet de rassembler, fidéliser et diffuser les valeurs de la marque à une communauté de marque, la publicité permet elle de diffuser à un très grand nombre la philosophie de l'Entreprise, ou bien même son offre commerciale du moment.
On peut notamment le vérifier en voyant Apple qui possède une communauté de marque monstrueuse (les Apple addicts), alimentée par de nombreux sites de rumeurs, de pages Facebook, etc ... Et qui pourtant investit de plus en plus sur de l'investissement média: actuellement pour repositionner la marque sur un penchant plus design, mais aussi pour tout lancement de produit (la campagne iPad étant un véritable matraquage).
Donc je ne pense pas que la pub soit réellement en train de disparaître, bien au contraire, elle se complémente avec du contenu de marque, et l'enjeu des agences est pour moi de proposer une ligne, une véritable stratégie de communication entre contenu de marque, et publicité !!!!
Gabriel Dabi-Schwebel 24 Juil 2013
Merci Nicolas pour votre retour,
Je partage avec vous le point que le brand content est complémentaire de la publicité et ne la remplace pas.
En revanche, ce qui remet réellement en cause la publicité de mon point de vue, c'est la multiplication des moyens technologiques pour la contourner et une désaffection de plus en plus forte du consommateur.
Voir à ce propos l'article de la Tribune : https://www.latribune.fr/blogs/strategie-marketing-en-1min30/20130723trib000777103/la-tv-gratuite-a-t-elle-un-avenir-.html
Ainsi, je pense que miser sur une stratégie de brand content forte avec un positionnement média fort est une vraie garantie face aux évolutions futures.
Bien cordialement,
Gabriel
Julien Thiboust dit: 24 Juil 2013
Merci Gabriel pour cette analyse très pertinente sur l'évolution des agences et des annonceurs. Certaines formulations méritent d'être reprises en citation, notamment celle mise en avant dans le cahier Eco du Monde.
Gabriel Dabi-Schwebel 24 Juil 2013
Merci Julien, n'hésite pas pour les citations cela ne peut que flatter mon ego qui n'en n'a pas besoin;-) Bien à toi, Gabriel