Article publié par Les Echos, et si la monnaie avait une valeur différente entre pile et face ? Pile pour l’immatériel et face pour le matériel… Une idée à creuser pour créer une valeur plus juste et surtout écologiquement équitable. La monnaie est assurément un concept très ancien qu’il serait intéressant de remettre en question.
La monnaie aujourd’hui est unique. Le même euro, le même dollar servent à la fois à acheter des biens matériels rivaux, qui ne peuvent être consommés que par une seule personne à la fois, et des biens immatériels non rivaux, qui peuvent être consommés par plusieurs personnes à la fois. Or, la monnaie fonctionne sur un principe d’échange à somme nulle adapté aux biens rivaux – l’euro qui m’appartient ne t’appartient pas – alors que l’économie devient de plus en plus immatérielle.
L’histoire de la monnaie est à peu près aussi ancienne que l’histoire des civilisations : elle est profondément ancrée dans le matériel. Les premières unités de compte étaient souvent dérivées des unités de poids, puis les métaux ont pris le relais, avant le papier et la monnaie électronique. Les formes de l’échange sont de plus en plus immatérielles, mais le système à somme nulle reste quasiment le même.
Quasiment, car la monnaie papier ou électronique facilite la création monétaire et la dette qui viennent artificiellement gonfler la masse monétaire tant que les emprunts ne sont pas remboursés. Ils ne le seront jamais néanmoins, sauf à assister à un effondrement de l’économie mondiale. Ainsi, plutôt que d’user d’artifices dangereux pour la santé de l’économie, ainsi que pour la planète, il serait bon de penser à scinder la monnaie en deux composantes : l’une matérielle, l’autre immatérielle.
Dangereux pour la planète, le gonflement artificiel de la bulle monétaire l’est aussi. En effet, en accroissant démesurément la masse monétaire pour s’adapter entre autres à la croissance des biens immatériels dans l’économie, on donne l’illusion que les biens matériels sont eux aussi devenus illimités, ce qui est loin d’être le cas. Tout le monde sait que la planète a atteint ses limites physiques, et nous ne pourrons vivre ensemble à neuf milliards d’habitants de façon pacifique que si nous apprenons à limiter notre consommation de biens matériels.
Imaginons alors une monnaie double dotée d’une composante à somme nulle, matérielle, basée sur une logique de quota carbone par exemple (appelons-la « QC »), et d’une composante à somme non nulle, basée par exemple sur un indicateur de reconnaissance tel que Klout dans les réseaux sociaux par exemple (appelons-la « IR »).
Extrait de lecercle.lesechos.fr