BONNES FEUILLES // Impossible de faire entrer les Digital Native Vertical Brands dans une case bien précise. Ni start-up ni e-commerçant, ces marques digitales rebattent les cartes du commerce.
Si les DNVB (Digital Native Vertical Brands) et les start-up partagent des points communs – en particulier pour le grand public et les non-initiés – comme le côte cool, décomplexé, bosseur et novateur, la réalité est bien différente. Les DNVB ne sont pas des start-up. Ce sont des marques verticales, directes et uniques, qui, même entre elles, ont aussi des modèles différents. (…)Aucun entrepreneur ne s’est lancé en se disant vouloir créer une DNVB. Ils ont suivi une logique, une intuition, ils disposent d’un formidable sens de l’observation et d’une force de travail redoutable. C’est cette combinaison qui a permis la création d’une DNVB.
Peu à voir avec un e-commerçant
Définir un modèle unique, c’est se heurter au mur des réalités opérationnelles. Il est très difficile pour une DNVB, à une certaine étape de son développement, de se passer d’une boutique ou d’un showroom. Tediber a sa boîte de nuit, Sezane ses appartements et ses conciergeries, et Jimmy Fairly ses nombreuses boutiques. Impensable pour une DNVB de s’interdire toute distribution tierce. Feed est vendu dans certains supermarchés, Merci Handy dans les grandes enseignes de beauté, et TipToe chez des revendeurs en France et dans de nombreux pays.
Si elles sont 100 % digitales jusqu’au bout des ongles , elles sont toutefois à l’opposé d’un modèle classique d’e-commerce. Là où les e-commerçants utilisent le digital uniquement comme levier de distribution, les DNVB s’en servent aussi comme d’un moyen d’expression. Les DNVB n’ont, en outre, pas grand-chose à voir avec un e-commerçant. Certes, elles utilisent le Web pour vendre, mais le point de comparaison s’arrête là.
Développer la relation amicale
Les DNVB ont la bonne habitude d’être perpétuellement en mouvement. Elles s’adaptent constamment, créent de nouvelles expériences et diversifient leurs circuits de distribution. Tenter de faire rentrer une DNVB dans une case, c’est forcer un âne qui n’a pas soif à boire : c’est impossible.
DNVB n’est pas un terme qui enferme et qui catégorise, car on ne naît pas DNVB, on le devient. Merci Handy [marque de cosmétiques, NDLR] est un exemple intéressant, car ses circuits de distribution sont multiples. S’ils vendent en ligne – à la fois sur leur site et sur Amazon, en réalité, la majorité du chiffre d’affaires provient de la vente indirecte. Merci Handy n’a pas de boutiques en propre. Toute la partie retail passe donc par des revendeurs comme Sephora, les Galeries Lafayette ou Beauty Success. Les distributeurs ont une relation commerciale avec les clients finaux, dont l’objectif est de vendre. Du côté de Merci Handy, la priorité est la création de contenus digitaux, afin de créer une relation sentimentale, affectueuse et humoristique. En quelque sorte, le revendeur détient la relation commerciale, et Merci Handy, la relation amicale.Plus proches d’un écosystème
Les DNVB sont verticales, car elles vendent directement au client final. C’est vrai. Mais leurs produits peuvent aussi se retrouver sur les étals de distributeurs tiers pour pénétrer certains marchés. Les DNVB n’ont pas d’intermédiaires et assurent un contrôle parfait sur la logistique de leurs produits. C’est vrai. Mais elles ne possèdent pas toujours l’outil industriel permettant de fabriquer. Les DNVB sont digitales, car elles sont nées en ligne et vendent en ligne. C’est vrai. Mais la vente en ligne représente rarement 100 % de leur chiffre d’affaires. Cela en fait-il pour autant des entreprises comme les autres ? Bien au contraire ! Parce qu’elles ne trahissent pas leurs idéaux originaux (marque forte, produit de qualité, expertise ciblée, expérience client et service haut de gamme), elles sont capables d’enrichir leur modèle et leur proposition de valeur sans dénaturer leur ADN.
Dans son ouvrage « Start With Why », Simon Sinek résume finalement assez bien ce qui caractérise les DNVB. Ce sont des marques qui misent sur une mission, une cause et une croyance, tout en favorisant un fort sentiment d’appartenance. Pourquoi la marque existe-t-elle ? A quoi sert-elle ? Pourquoi ses salariés acceptent-ils de travailler pour elle ? Avec une entreprise classique, les réponses sont diverses et pas toujours agréables à entendre. Avec une DNVB, elles sont simples et limpides, car le « pourquoi » sera priorisé au détriment du « comment » et du « quoi ».Une DNVB se rapproche finalement davantage d’un écosystème plutôt que d’une organisation capitaliste au sens classique du terme. C’est un univers au sein duquel se côtoient des entités avec des approches et des stratégies différentes, qui peuvent s’illustrer de façons très diverses et dans des secteurs extrêmement variés. En la matière, le copier-coller est impossible. On ne peut pas dupliquer une DNVB comme on ne peut pas transposer un esprit humain dans un autre corps.
Extrait de :DNVB : un modèle de marques sans modèle