« Comprendre votre client et le faire progresser dans son parcours d’achat jusqu’à la vente ». C’est certain, la promesse est alléchante pour tout professionnel qu’il soit du bâtiment ou non. Son auteur ? Gabriel Dabi-Schwebel. Qui est-il ? Que fait-il ? Et comment peut-il nous aider ?
Gabriel Dabi-Schwebel est le fondateur de l’agence 1min30. On se connaît un peu, car on avait envisagé de collaborer ensemble sur mon concept du blogstorming : une sorte de match sur les réseaux sociaux entre blogueurs, community managers et influenceurs dans le but de débattre sur un sujet en mettant en scène une marque ou une entreprise.
Gabriel, tu es très connu parmi les spécialistes du digital et du marketing, mais ici, une majorité des lecteurs vont te découvrir. Ce sont des professionnels du bâtiment : des artisans bien sûr, mais aussi des entreprises opérant dans ce secteur comme Ariston, Semin ou URSA, et des enseignes comme Bricoman.
Ton message et ton expertise peuvent beaucoup apporter aux professionnels de ce secteur. Je vais donc, virtuellement, à l’aide de vidéos notamment, t’inviter à sortir de ton bureau pour aller dans le magasin Bricoman de Bonneuil-sur-Marne (94).
Tu viens de publier avec Valérie Vax, un livre remarquable : « Customer Experience ReDesign ! L’expérience client (re)mise à plat ! » qui pourrait être utile à de nombreux professionnels opérant dans le secteur du bâtiment. De quoi s’agit-il ?
Le parcours d’achat des clients
« On essaie de comprendre le parcours d’achat des clients, de le disséquer, de voir toutes les étapes qu’il franchit avant d’acheter, toutes les questions qu’il se pose, à qui il en parle, comment il utilise internet. À partir de cette compréhension, on peut par exemple identifier que dans sa recherche web, il tape tel mot-clé, donc on fera du référencement gratuit et payant sur ce mot-clé.
C’est une méthode pour construire sa stratégie d’acquisition en s’appuyant sur la compréhension du parcours d’achat des clients grâce à l’ensemble des leviers marketing (outbound, inbound, digital et off line). »
C’est aussi une méthode illustrée par l’histoire d’une entreprise, la Vache Pourpre. On suit pas à pas le parcours de Mélanie, la directrice, Emma, la responsable commerciale, Lee, la responsable marketing et Arthur, le responsable de la communication dans la construction de leurs différentes stratégies B2B et B2C pour s’imposer sur le marché. Cela te permet aussi de mettre en avant un thème important : l’intelligence collective.
« Absolument, on s’appuie sur les outils de l’intelligence collective pour que chaque entreprise soit en mesure de construire sa stratégie marketing. »
À mon tour, j’aimerais te présenter d’autres personnages. Il y a d’abord deux artisans : Nicolas Paul et Cédric Prats. Ils vont nous accompagner tout le long de cet article à travers des vidéos dans lesquelles ils rencontrent les responsables des rayons d’un magasin Bricoman. On commence, forcément, avec l’épisode 1.
On a aussi rencontré Mathieu Perrot, manager du service client :
« Mon travail et celui de nos équipes sont de fidéliser les artisans qui nous font le plaisir de venir dans nos magasins. C’est de faire de leurs contraintes les nôtres, afin de trouver un maximum de solutions. On le fait dans la joie, la bonne humeur et de façon très professionnelle. »
Apporter des solutions aux clients
Cela renvoie à plusieurs chapitres de ton livre. D’abord les solutions. Peux-tu nous dire si les employés qui travaillent dans les rayons de Bricoman doivent s’attacher aux besoins de leurs clients ou plutôt à leurs problèmes ?
« Ils ont un rôle de découverte, de questionnement qui va leur permettre de clarifier la demande du client et pouvoir apporter une solution au problème.
C’est une réalité forte dans un magasin comme Bricoman. Notamment pour un particulier comme moi. Je vais arriver avec un problème, mais sans la solution. Je vais vraiment avoir besoin de conseils et d’être guidé pour trouver le bon outil ou produit qui va répondre à ma problématique. Dernièrement, par exemple, je voulais remplacer la commande murale pour mes stores électriques par une commande à distance. Mais la dimension des blocs à insérer était trop grande et j’ai dû faire un appareillage en saillie. Je ne savais même pas que cela existait. (rires) »
Si on avait fait l’interview quelques jours plus tôt, je t’aurais mis en contact avec « mon électricien préféré » alias Nicolas Paul que tu as découvert dans cette première vidéo.
Les émotions des clients
Ensuite, je trouve aussi remarquable l’attitude de Mathieu qui immédiatement a mis en avant l’importance de travailler dans la joie et la bonne humeur. Car dans un parcours client, on doit aussi s’attacher aux émotions du client. Gabriel, quelle est l’importance des émotions dans l’expérience client ?
« Les émotions sont très importantes dans l’expérience client et l’acquisition. Lors de la vente, le client est sujet à de nombreuses émotions. Mais il est partagé entre l’envie d’acheter un produit ou un service, et la peur de se tromper. Il faut donc réussir à créer une tension suffisamment forte pour dépasser, une autre émotion bien connue, la peur.
Dans l’expérience client, on ne traite que du ressenti : ce qui agace, dérange, ne satisfait pas, les irritants, ce qui fait plaisir, surprend (autrement dit, les enchantements). C’est pour cela qu’on les aborde sous forme de Verbatim (ndlr : témoignages). Ce qui permet de rester dans l’émotion, le subjectif et sans trop aller dans le rationnel. »
Vous trouverez ci-contre une infographie qui reprend des éléments du livre « Acquisition Strategy Design » avec les 6 émotions fondamentales.
Passons à l’épisode 8. Alexis Nedoncelle, manager des ventes, nous conduit dans la cour des matériaux :
« Tout est pensé pour vous les artisans pour que vous ayez de la place, que vous puissiez circuler librement en évitant les bouchons. »
Un parcours client fluide
Cédric est impressionné, car il n’est pas rare, même pour un particulier, d’aller dans la cour des matériaux et de se retrouver bloqué parce qu’un artisan charge sa camionnette avec des parpaings par exemple. Dans ce nouveau magasin à Bonneuil-sur-Marne, ils ont augmenté l’espace de circulation pour éviter ce fâcheux problème. On en revient encore aux émotions. Avec un parcours d’achat physique adapté, on évite alors la frustration et l’énervement du client.
Gabriel, que penses-tu de cet exemple qui répond à un des principes énoncés au début de ton livre : « faciliter la circulation du client » ?
« Le parcours client physique, dans l’entreprise ou sur le lieu de vente, est l’un des éléments du parcours client. »
Souvent, la relation avec un client se termine à la caisse, sans se soucier de ce qui se passe lorsque le client rentre chez lui. Ici, dans cette vidéo, Cédric et Nicolas vont sur un chantier avec Mathieu Perrot. Ils rencontrent Gabriel Gutol, gérant de l’entreprise Nachdom spécialisée dans la construction de maisons et la rénovation, tous corps d’état.
Le marketing relationnel
Dans tes livres, tu évoques le marketing relationnel qui « vise à développer la relation en dehors des moments de consommation ou d’achat. » Est-ce que cela signifie que le parcours du client ne s’arrête pas à la caisse du magasin ?
« Je dirais même que le parcours client ne s’arrête jamais. La publicité et la communication permettent de garder une relation avec le public. »
Pourrais-tu nous donner 2 ou 3 conseils pour bien gérer et tirer profit de ces moments ?
« Au-delà de l’achat, il y a toujours un rôle de conseil, de pédagogie et d’accompagnement. Si on achète un outil par exemple, on peut communiquer sur comment l’utiliser et comment l’entretenir. Cela permet de garder des relations autour de l’usage du produit ou du service, c’est important pour le client. Il ne faut pas s’attarder sur l’aspect commercial, mais plutôt se concentrer sur l’utilité.
Une autre bonne idée serait de proposer des calendriers. Par exemple, un calendrier de maintenance, mais aussi en rappelant l’anniversaire de rencontre avec le client, indiquer des événements comme le Black Friday en ce moment, tous les prétextes à rester en contact et relancer le client. Dans le cas des artisans ou d’un chantier, ça peut être de rappeler l’anniversaire du début d’un chantier ou de l’installation d’une chaudière, etc.
Attention, il ne faut pas faire du commerce pour du commerce. Toutes ces relances doivent être pertinentes, comme on peut le faire en recommandant par exemple des produits nécessaires à une maintenance annuelle, comme changer le filtre sur une chaudière. »
Une newsletter personnalisée
Tes conseils Gabriel sont, je trouve, une formidable ligne éditoriale pour la communication d’une marque à travers son blog, des tutoriels, les réseaux sociaux ou leur newsletter. Qu’en penses-tu ?
« Si tu as une bonne compréhension de parcours d’achat d’un client, que tu as fait une bonne analyse de ce qu’il a acheté, alors tu vas pouvoir lui adresser les contenus qui l’intéressent spécifiquement au moment où il en a besoin. Dans ce cas, tu ne crées pas de contenus supplémentaires, mais tu vas sélectionner dans ta librairie de contenus, celui qui est pertinent en fonction de ce qu’il achète et de la date d’achat. Et là, tu vas avoir une vraie dimension relationnelle, bien plus qu’en envoyant la même newsletter à tout le monde, indépendamment de son parcours d’achat. »
En effet Gabriel, un contenu écrit pour le web est différent d’un contenu journalistique qui traite d’une actualité au jour J. Il faut trouver le moyen de le rendre intemporel pour pouvoir l’utiliser plusieurs fois. D’ailleurs, avec ses vidéos, Bricoman a créé une médiathèque dans laquelle il pourra piocher régulièrement.
« Oui, c’est du recyclage de contenu ciblé et réutilisé au bon moment. »
On pourra quand même en profiter pour créer un nouveau contenu si on ne le trouve pas dans notre bibliothèque. En tout cas, tes conseils vont certainement intéresser Tony Lavalard à l’initiative de la newsletter Bricoman : « Une minute avec les Pros » .
Pour réaliser ces vidéos, Bricoman a fait appel à l’agence digitale Tokster qui a recruté deux artisans connectés, qu’on appelle le plus souvent influenceurs, pour jouer les envoyés spéciaux. Est-ce qu’aujourd’hui avoir une bonne relation avec les influenceurs est essentiel pour améliorer ses résultats ? Peux-tu nous expliquer pourquoi ?
« On a parlé de ce point dans le livre sur l’« Acquisition Strategy Design ». Le marketing digital est un canal d’acquisition.
Dans le nouveau livre sur « l’expérience client (re)mise à plat ! », on est plus sur une mise en garde de l’usage abusif du marketing digital. On montre l’influence négative que le digital peut avoir sur l’expérience client comme le spam, être trop sollicité ou en manquant sa cible.
Les clients sont des influenceurs
Sur les influenceurs, c’est pile ou face. Côté pile avec tout ce qu’un artisan connecté peut apporter par son savoir-faire et son expérience, un prescripteur avec des liens fortement affinitaires avec sa communauté, et qui a donc une vraie influence sur la notoriété d’une marque et l’attraction qui pousse à l’achat d’un produit.
Côté face, si on sollicite un influenceur à mauvais escient, si on établit une relation superficielle avec eux ou si tout bêtement on utilise des influenceurs qui ne sont pas les bons, alors on peut dégrader l’image d’une entreprise et l’expérience client. »
Est-ce que tu crois qu’un artisan qui travaille depuis plus de 20 ans et qui a un planning complet sur plusieurs mois a quand même intérêt à se soucier de sa réputation digitale ?
« La réputation digitale d’un artisan ou d’une entreprise est immédiatement accessible sur Google My Business ou des sites qui publient des avis clients (ndlr : Eldo). Se traîner une mauvaise réputation, avoir de mauvaises notes sera un jour ou l’autre forcément handicapant. Même pour un professionnel qui est très demandé, il est indispensable de bien traiter ses clients, pour sa réputation digitale d’une part, mais aussi entretenir ses relations avec ses clients. Il peut très bien inciter ses clients satisfaits à mettre un avis sur Google. Les personnes mécontentes sont celles qui s’expriment en premier, alors il ne faut pas hésiter à demander aux gens satisfaits de s’exprimer aussi. »
C’est très clair Gabriel. On comprend qu’un professionnel du bâtiment qui travaille sur un chantier toute la journée et qui a en plus le côté administratif à traiter ne trouve pas le temps de faire un site, d’ouvrir une page Facebook et d’aller de façon assidue sur les réseaux sociaux. S’il a au minimum son profil d’entreprise sur Google, il peut demander à ses clients de parler de lui à travers un commentaire positif ou pourquoi pas une photo sur Instagram. Ils vont faire une partie de son travail de communication. Intelligemment aussi, car un témoignage est plus fort que le discours d’un professionnel.
Dernière question, imagine-toi dans les allées du magasin Bricoman de Bonneuil-sur-Marne, comme ici dans le rayon machines et outils :
Comme un artisan qui prend des mesures
Si tu étais un outil du bâtiment appliqué au parcours d’achat du client, tu serais ?
« Si j’étais un outil du bâtiment appliqué au parcours d’achat du client, je serais un outil qui me permet de prendre des mesures en lien avec une application pour faire un plan de la pièce d’une maison. Car pour mettre en place une bonne expérience client, il faut aussi arriver à cartographier son parcours d’achat et à formaliser ses relations avec lui. C’est la méthode que l’on préconise dans nos livres.
Les deux premières étapes consistent à comprendre le parcours des clients que l’on veut fidéliser avant même de chercher des solutions pour enlever les irritants et créer l’enchantement. Ce travail préalable est comparable à celui de l’artisan qui prend des mesures et dessine un plan de l’habitat. Ensuite, le client pourra plus facilement aménager son espace avec des meubles ou ses appareils ménagers. »
Des marques comme URSA proposent de faire ça sur leur application. Tu enregistres les mesures et l’application calcule combien de rouleaux tu as besoin pour faire l’isolation d’une pièce.
Pour les mesures, tu peux utiliser un laser de chantier. Dans cet article, tu trouveras tous les détails sur cet outil incontournable sur les chantiers.
Extrait d’article publié sur le site zepros.fr « Comprendre le client ou… mourir ! Interview de Gabriel Dabi-Schwebel »