2017 est passée rapidement, l’année nouvelle se profile déjà. Et un certain nombre d’influenceurs se livrent à l’incontournable exercice de décryptage des Tendances 2018 : ce que cette nouvelle année réserve, notamment en matière de marketing et digitale (Inbound). Nous nous sommes également livrés à l’exercice, sous l’angle des Tendances sociétales 2018 qui nous paraissent significatives. Bien que convaincus, comme tous les ans, qu’il est peu probable que le basculement du 1er janvier marque les débuts d’une ère nouvelle. Cela n’empêchera évidemment personne de se souhaiter les changements les plus radicaux en se claquant la bise à minuit, mais cette réflexion préalable nous pousse à replacer les Tendances 2018 dans un contexte d’évolution plus global que, sans être sociologues et en toute humilité, nous avons cherché à comprendre.
La décennie qui vient de s’écouler – voire les 20 dernières années – a été pour le moins agitée. En tous cas, beaucoup plus que la période précédente, relativement apaisée et porteuse de progrès social. Sur une période relativement courte, la société a dû s’adapter et assimiler :
L’ensemble de ces phénomènes concomitants a lui-même mené à :
Cette période de mutation et ses effets, cumulés à l’injonction au bonheur, au devoir de réalisation de soi et à un processus d’individualisation qui, en faisant fait sauter le verrou (mais aussi la protection) de la cellule familiale traditionnelle au profit de modèles recomposés non pérennes, a accéléré un autre phénomène marquant de ce début de siècle : la fatigue d’être soi.
En deux mots, la société semble fatiguée et les gens en attente d’un break. Une lecture – certes subjective – de ce phénomène de grande fatigue y décèle une sorte de paroxysme.
Pour vaine et déconnectée de la réalité du monde qu’on la considère, la mode a souvent accompagné voire anticipé des évolutions sociétales d’envergure. Œuf ou poule, finalement peu importe. Mais que Chanel ait sonné la fin du corset, de la plume et du frou-frou, ou qu’elle ait juste accompagné ou illustré un mouvement sociétal, le fait est que sa mode est représentative d’une premier pas vers l’égalité homme-femme. Et, quelques décennies plus tard, il en va de même pour le jean, qui brouille définitivement la frontière entre sexes.
Bref, de nombreux sociologues ou historiens du vêtement ont démontré la valeur illustrative et parfois prédictive des phénomènes de mode vestimentaire.
Or, que constate-t-on en matière de mode pour 2018 ?
Là encore, le renforcement de tendances est déjà à l’oeuvre. Le regain du mouvement hipster date du début des années 2000. On le limite tout d’abord géographiquement à New York, en gros. 10 ans plus tard, c’est une véritable vague qui déferle sur le monde et semble encore non apaisée. Il se prolonge aujourd’hui d’un mouvement de fond appelé “normcore”, qui fait de l’anti-fashion fashion une vraie mode et la quête de banalité et de discrétion inspirée de la vraie vie, un credo esthétique. Alors que le mouvement hipster, originellement fondé sur le refus des phénomènes de mode de masse, s’est peu à peu sophistiqué pour devenir a contrario un phénomène de mode de masse très codifié (ce qu’il n’était pas au départ), le normcore, “esthétique de la normalité, un refus apparent de la mode au nom d’un retour à l’âge pré-adolescent où le vêtement n’était pas encore un enjeu social” (Vincent Glad, « Le normcore : plus hipster que les plus hipsters, soyez fou : soyez normal »).
Quid des défilés 2017-2018 ? Bingo : une tendance générale à l’anti-bling, la proposition assumée de plus de confort, plus de simplicité, plus d’authenticité. Ainsi, même le très chic Vogue pontifie à propos des collections Homme de la saison : “Les créateurs reviennent à l’essentiel avec un seul mantra : la rue. Une influence majeure qui sculpte les contours d’une allure streetwear et cool, d’accents normcore instituant la normalité au rang de mode.”
Quels enseignements peut-on tirer de ces quelques constats ? Après une ère du paraître poussée à l’extrême, le temps du disparaître. Au profit supposé, sans doute, de l’être.
Sans creuser beaucoup on peut y voir, au sein d’une minorité au moins – mais désormais très audible – un recul de l’individualisme forcené et revendicatif en faveur de valeurs plus collectives et de l’appartenance à une communauté.
Consommer moins, consommer plus responsable.
Puisqu’il s’agit ici de marketing, forcément, intéressons-nous à la consommation. En quoi les comportements de consommation sont-ils affectés par ces grandes tendances sociétales dont nous venons de faire l’hypothèse – avec une conviction certaine – qu’elles correspondent à des tendances lourdes ?
Que constate-t-on en observant les comportements de consommation ?
Tous ces signaux peuvent facilement se lire comme un faisceau de présomptions pointant dans une direction : la réflexion accompagne désormais la consommation et l’on achète de moins en moins à l’aveuglette.
La santé – la sienne, celle de la planète – guide la décision. Les plus extrêmes (précurseurs ou marginaux ?) vont jusqu’à prôner une sobriété heureuse, voire la décroissance. Le collectif redevient tendance.
Bref, le consommateur d’aujourd’hui est préoccupé : préoccupé par sa santé, par la pollution, par le gaspillage, par la crise, par le bien-être animal, par l’éthique, par… il est très préoccupé.
Et en conséquence, les marques sont réévaluées : leurs valeurs, leurs comportements, leur responsabilité sociale. Elles ont un devoir de transparence, de bienveillance, de responsabilité et de prise en compte des intérêts des individus, mais aussi de la collectivité.
Partout en Europe et à ses portes, les populismes, nationalismes, souverainismes, autoritarismes et leurs porte-étendards ont perdu tout complexe. Chose encore incroyable il y a 20 ans à peine, ils conquièrent à marches forcées une popularité retrouvée, voire le pouvoir ou en tous cas la représentation.
La France a très partiellement échappé au phénomène, au prix du dynamitage du traditionnel clivage gauche-droite soutenu en arrière-fond par un courant abstentionniste qui n’avait jamais été aussi puissant.
Qui peut réellement faire changer les choses et agir sur ce monde devenu si inquiétant ? Apparemment, tout le monde. Les politiques, les institutions se sont disqualifiés et l’économique semble dicter sa loi ? Le consommateur prend conscience de son influence et du contre-pouvoir que constitue la consommation. Sa consommation. C’est l’émergence de nouvelles formes d’exercice de la démocratie et il entend exercer ce pouvoir.
Les différents scandalo-leaks récents, en même temps qu’ils participaient de la disqualification des puissants, ont relevé le niveau d’exigence vis-à-vis de l’information et l’attente de transparence et d’hyper-vérité. Le faux est traqué, parfois au détriment de la présomption d’innocence ou du respect de la vie privée.
Et, pour en revenir à un aspect plus marketing, les marques doivent donner au consommateur des gages de transparence et d’éthique. On leur pardonne éventuellement leurs erreurs, pas de chercher à les dissimuler. Un an après le scandale des tests truqués, les ventes de Volkswagen ont baissé de 13,6 % aux Etats-Unis, et de 5,3 % en Allemagne, sa terre natale.
Dans le même temps, l’infobésité s’impose et le citoyen, le salarié, le consommateur croule sous un déluge informationnel, qui met le savoir et la confiance à rude épreuve. Plus de contenu, plus vite, plus longtemps. Mais aussi plus de fake news, de bulles, de filtres, de manipulations. Déceler le vrai du faux, demande un niveau de clairvoyance peu commun, et le besoin de restaurer la confiance et la sécurité de l’information se fait sentir.
Deux axes structurent la perception du monde comme les comportements de consommation. Un même individu peut, selon le contexte, les circonstances et la problématique à laquelle il est soumis, s’en rapprocher.
En ressortent 4 grosses tendances qui nous paraissent révélatrices de l’époque et de son inscription dans le temps :
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