Qui n’a pas entendu parler de l’opération marketing de Deliveroo à l’occasion du 1er avril ? Qualifiée de très mauvaise pour la marque, elle a fait grand bruit sur les réseaux sociaux. La marque finit par envoyer un email d’excuses qualifiant leur opération de “poisson d’avril raté”.
« Nous devons l’admettre, il s’agissait d’un poisson d’avril raté «
À l’occasion du premier avril, Deliveroo qui est une référence en matière de livraison de repas, a envoyé une confirmation factice pour une commande de 38 pizzas pour un montant de 466.40€.
Ce n’est que 2h après avoir réalisé l’ampleur des répercussions que Deliveroo a envoyé un email pour préciser qu’il s’agissait d’une farce (sans oublier le bouton “Je commande”). Puis ils ont envoyé un email d’excuses le lendemain.
Cette blague aura certainement eu plus d’impacts que ce que les créateurs de cette opération ne l’auraient imaginé puisque plusieurs destinataires ont pensé avoir été piratés : énormément d’appels aux services clients des banques pour faire opposition aux cartes de paiements, des agents de centres d’appels submergés, des personnes privées de moyens de paiement, avec en prime, des frais de réédition de leurs cartes bancaires.
Au-delà de la peur, il y a donc les conséquences de la blague et le sentiment de ne pas avoir bénéficié d’un traitement digne d’un client. La sensation d’avoir été au centre d’une mauvaise blague qui “a fait rire tout le monde sauf moi”, d’être le dindon de la farce qui finit par faire une soupe à la grimace…
Petite analyse du point de vue de l’expérience client.
Tandis que la grande majorité des internautes expriment leurs mécontentements face à cette mauvaise expérience client, quelques personnes affirment et revendiquent avoir ri. Est-ce légitime ?
Pour étayer mes propos, je vais vous raconter la façon dont nous avons vécu la blague chez 1min30.
Personnellement, en voyant l’email j’ai ri.
Si plusieurs clients l’on mal vécu c’est que leurs voix doivent être entendues. Les retours des clients sont majoritairement concordants sur le fait que la farce est de mauvais goût. Par la suite, certaines personnes ont publié des tweets expliquant qu’il suffit de lire, qu’il ne faut pas être naïf, sous-entendent qu’il est invraisemblable d’y avoir cru.
Mon point de vue en tant que professionnel du marketing est relativement clair sur le sujet : il n’est pas drôle de faire une blague impliquant une éventuelle fuite de données bancaires à ses clients. Il n’est pas judicieux de provoquer un sentiment de danger auprès de ses clients, ni d’engendrer un débat divisant ceux « qui ont compris » et « les autres ». Même si cela n’était pas volontaire de la part de la marque.
Comment les personnes directement concernées chez 1min30 ont vécu cette expérience en tant que client ?
Ils ont eu une grosse frayeur et n’ont pas aimé la blague. Ils l’ont trouvé de mauvais goût mais ont compris qu’il s’agissait d’une farce après coup.
Finalement, je ne vous raconte pas tout cela pour vous expliquer ce que vous avez déjà constaté ou vécu vous-même.
Là où je veux en venir est que cette opération marketing n’est pas orientée expérience client. L’équipe marketing semble s’être amusée à créer cet email mais n’a pas pensé aux éventuelles réactions de ses clients.
Pensée pour et par des cerveaux du marketing, elle a peut-être eu moins d’impact pour des professionnels du marketing. Des experts qui regardent toutes les mentions dans le moindre détail. C’est ce qu’il s’est passé chez 1min30, les personnes l’ayant reçu sont des chefs de projets habitués à la création d’emails marketing. Et pourtant, ça ne les a pas empêchés d’avoir peur et d’y croire l’espace d’un instant car un hack est toujours possible. Lorsqu’une communication est conçue, il faut envisager tous les personas représentant son panel client et parler leur langage.
Enfin n’oublions pas l’environnement dans lequel nous vivons, où le hack des données est courant et le vol de carte pouvant se faire de façon dématérialisée. Je détaillerai ce point capital un peu plus loin…
Cela ne veut pas dire qu’il est volontaire de la part de l’équipe marketing d’avoir réalisé un email qui l’a fait rire sans prendre en compte les répercussions en termes d’expérience pour ses clients. Le fait est que l’analyse du parcours client et la création d’une expérience client sont des expertises fortes qui nécessitent qu’on y consacre du temps et des ressources.
L’objectif n’étant pas de juger les personnes à l’origine de cette campagne (tout marketeur a appris de ses erreurs) mais de l’absence ou l’erreur de méthode qui a mené à la réalisation.
Si cette campagne est qualifiée de bad buzz pour Deliveroo, c’est parce que la plupart des clients ont ressenti du stress, de la peur puis de la colère. Cette campagne a généré des sentiments négatifs chez les clients car elle manque d’empathie, or, l’empathie comme la connaissance client sont indispensables à la création d’une expérience client idéale.
Finalement, l’idée n’était pas forcément mauvaise mais le message conçu naît d’un parcours client incomplet et inadapté. Des affirmations telles que “Je veux attirer l’attention de mon client”, “Je veux animer ma communauté” ne répondent pas aux questions :
Peut-on parler d’un environnement et d’un contexte ignorés ?
Je dois dire que ce qui me surprend le plus dans cette campagne est d’avoir joué sur le risque d’une fuite de données ou de piratage.
La non prise en compte du contexte informatique complexe dans lequel nous sommes et au regard de l’application de la protection des données ne peut être ignoré et c’est un manquement au parcours client.
Notre ère hautement digitalisée fait des données une préoccupation première et leur fuite est un danger permanent.
On se souvient alors que Deliveroo avait déjà été l’objet de rumeurs concernant le hack de comptes et la fuite de données. La porte-parole avait alors répondu en 2019 que la marque prend très au sérieux la protection des données et qu’elle utilise les mesures appropriées.
Elle ajoutait alors que s’il y avait eu des piratages ils étaient dûs à une mauvaise gestion des mots de passe de certains utilisateurs.
Mais pourquoi jouer avec le feu ?
Nous pouvons facilement supposer un manque d’alignement des équipes opérationnelles, Marketing, Communication, Vente et Service Client. Les équipes non alignées n’avancent pas dans la même direction et ne communiquent pas autour d’indicateurs pertinents de l’expérience client. Ils peuvent alors communiquer des messages allant jusqu’à devenir antinomiques.
Il est également légitime de se questionner sur la conception de cette campagne. A-t-elle été décidée par une seule personne ou en équipe ? Et quel est le développement d’arguments, de pensées, qui a mené à cet email marketing ?
Dans tous les cas, il y a eu une faille mais pas de gros scandale. En marketing, des bad buzz plus importants ont vite été oubliés.
Enfin, pour l’anecdote cet email qui a beaucoup fait parlé a été envoyé le 1er avril 2021, jour de mise en application des lignes directrices modificatives concernant le RGPD…
Et vous qu’en pensez-vous ?
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