Un fournisseur de technologies est-il légitime pour prendre la parole sur un sujet aussi complexe et drivé par les « métiers » et la « marque » tel que peut l’être l’expérience client ?
Est-il encore possible de débattre du sujet sans se voir taxer d’imposture, de forfaiture et d’échapper au piège des idéologies dont l’expérience client peut parfois faire l’objet ? Comment proposer une définition de ce que peut être l’expérience client en 2017 et qui puisse largement rassembler sur des constats et des réalités qui sont au cœur de ce que nous pouvons également vivre en tant que consommateur ?
Autant de questions qui sonnent comme une forme de défi mais auxquelles il m’a semblé essentiel de répondre en tant que « spécialiste » du sujet chez Oracle France ( Merci de noter l’importance à accorder aux guillemets qui accompagnent l’intitulé de ma fonction chez Oracle France J) afin de tenter de proposer un référentiel commun et qui n’a pas d’autre objectif que de venir nourrir le débat de façon constructive et nous aider collectivement à « penser » un sujet qui, finalement, devrait pouvoir transcender silos, chapelles ainsi que les biais induits parfois par nos propres « schémas mentaux »
L’expérience client est sans doute un des sujets qui pourrait faire l’objet d’une réécriture et de la remise en question permanente de ses préceptes, sans que nous soyons certains de pouvoir espérer « fixer » un jour la définition qui fera enfin l’objet d’un consensus général. S’il existe bien une discipline où la sémantique et la profusion technologique jouent un rôle majeur, c’est bien celle de l’expérience client, contribuant ainsi à créer une déclinaison multiple de ce concept devenu pourtant si central pour la création de valeur pour la marque.
Interrogez n’importe quel CEO, CMO, CDO, COO, CIO voire même CF0 (oui je sais, le marché actuel ne nous donne pas d’autre choix que de devenir des experts sur les acronymes de cet olympe moderne que constituent la strate des « C-level » J) sur le sujet, et vous constaterez l’importance que revêt aujourd’hui cette prise de conscience et qui installe l’expérience client comme un enjeu stratégique pour les marques. Cette nouvelle centralité du concept amène l’expérience client à venir nourrir l’ensemble du capital de la marque, son identité, ses valeurs ainsi que son capital relationnel.
L’importance et la prééminence que prend cette nouvelle logique génèrent un phénomène inédit jusque-là et qui pose la question sur ce qui peut aujourd’hui définir la marque : S’agit-il de ses attributs organiques tels que ses produits ou est-ce l’expérience délivrée qui viendrait définir la marque ? Les exemples de marques expérientielles telles que Zappos, Cirque du soleil, Apple ou Nike méritent que l’on s’intéresse à la question et à la façon de concevoir le « branding » en 2017.
Toutefois et au-delà de cette question presque existentielle pour les marques, la réflexion stratégique sur l’expérience client impose également de prendre en compte le poids et l’influence d’un certain nombre de facteurs exogènes et de phénomènes, dont il nous a semblé intéressant de partager la nature dans le cadre de cet article.
Penser l’expérience client en 2017, c’est forcément intégrer le poids et l’influence des ruptures technologiques sur l’ensemble des processus et des étapes liés à un parcours client et qui impose pour les entreprises de développer un autre rapport à la technologie et à sa création réelle de valeur quand il est décidé de la mettre en œuvre. Une des traductions les plus visibles dans ce nouveau rapport à la technologie réside par exemple dans la façon dont la fonction marketing devient de plus en plus appétente et compétente sur la question technologique et la façon dont elle se donne les moyens nécessaires en termes d’autonomie et de compétences. Le segment du « Mar’tech » qui a crû de plus de 400 % en à peine 5 ans permet de mieux appréhender cette dynamique de transformation du marketing au travers du phénomène de « plateformisation » et que j’ai eu l’occasion de décrire dans cet article.
La plateforme des moyens technologiques constitue désormais un des actifs stratégiques dans le patrimoine de marque afin de relever le défi d’une expérience client attractive, unique, centrée sur l’émotion et qui transcende les silos historiques.
Un autre aspect tout aussi intéressant et qui contribue à expliquer cet effet d’urgence et cette pression qui s’impose aux marques en matière de capacité à devenir une marque « expérientielle » , aspect ô combien visible dans notre quotidien et qui met en évidence à quel point le principe d’expérience a permis l’émergence de nouveaux modèles de consommation sur ce qui pouvait relever du quotidien ou d’actes sociaux élémentaires tels que se déplacer, s’éduquer, faire du sport, s’habiller, voyager, se nourrir, faire des rencontres, développer sa vie sociale …Cette nouvelle réalité structure le marché et ses innovations dans leur ensemble et contribue à faire de l’expérience la nouvelle norme dans la relation entre la marque et le consommateur.
Cette prise de conscience généralisée qui s’opère autour de l’expérience client achève de l’ériger comme un sujet stratégique dans l’agenda transformationnel des grandes entreprises mais également des PME qui souhaitent elles aussi se transformer et trouver de nouveaux relais d’innovation, que ces entreprises opèrent en B2B ou encore en B2C.
Enfin, l’expérience client reste également un véritable levier de différenciation pour la marque sur des marchés marqués par la banalisation, l’uniformisation, l’imitation entre les produits et services, quand il ne s’agit pas de leur obsolescence programmée
Si l’idée de différenciation semble totalement cohérente avec la valeur attendue dans le cadre de l’expérience client, il nous faut cependant également admettre l’idée que la capacité à créer de la différenciation s’inscrit aujourd’hui dans un défi qui peut être vu comme antagoniste, à savoir réussir à hyper individualiser d’une seule et même voix pour le plus grand nombre.
L’enjeu pour votre marque ? : Réussir à industrialiser cette capacité, à personnaliser la relation mais de façon économiquement viable et réaliste du point de vue de la faisabilité technique, tout en restant bien évidemment désirable pour le client. Une équation qui peut apparaître certes difficile mais pour laquelle de nouvelles approches telles que le design thinking permettent d’apporter des réponses réellement innovantes et efficientes.
Nous le savons tous, le principe de personnalisation n’est pas une idée neuve en soi. En revanche, c’est le contexte dans lequel s’inscrit désormais cet objectif qui devient totalement inédit en raison d’un phénomène dont l’ampleur nous dépasse un peu plus chaque jour et qui est celui de l’hyper convergence. L’hyper convergence n’est ni plus, ni moins que la conséquence directe du cette digitalisation massive des interactions, des offres, des contenus et des objets, générant ainsi un nouveau rapport à la complexité dans le monde marchand qui est le nôtre aujourd’hui.
La conséquence la plus visible de ce phénomène sur l’expérience client, et que nous constatons sur un nombre étendu d’industries, réside dans la fin du modèle relationnel dit « linéaire », c’est-à-dire la fin d’un parcours séquentiel, basé sur une succession d’étapes prévisibles et modélisables et pour évoluer finalement vers une nouvelle vision de ce que peut être l’environnement relationnel entre la marque et le consommateur au sein duquel s’agrègent toutes les logiques de canal, de temps ou de type de relation… Le phygital étant par exemple une des tendances les plus visibles de ce que préfigurera ce prochain modèle relationnel
Cette tribune serait incomplète si nous n’y abordions pas également la dimension « Data driven » tant la data devient l’un des assets les plus critiques dans le processus de transformation pour les marques et est désormais vue comme l’un des attributs essentiels de l’entreprise centrée sur l’expérience client.
Là encore, ce sujet peut avoir du mal à échapper à la profusion des définitions et des concepts qui l’accompagnent, alors disons que pour faire simple et épargner migraines et confusions à celles et ceux qui nous lisent, que la démarche dite « Data Driven » consiste à penser la collecte et l’utilisation de la donnée sur l’ensemble de la chaîne de valeur : De la connaissance client jusqu’à l’activation systématique et contextualisée de la data dans l’ensemble des processus, que ce soit des processus stratégiques de conception de produits ou de services, ou des processus orientés plus opérationnels liés à la gestion du client.
Le caractère systémique et ensembliste que semble prendre la data au sein des entreprises doit nous inciter à repenser certains schémas historiques en matière de gouvernance de la donnée, ce qui consisterait par exemple à ne plus raisonner en termes de sources de données ou de systèmes métier, mais de raisonner désormais en termes de « patrimoine de données » et d’actifs de données au service de l’expérience client
Plus de data dans le S.I, dans les BDD, dans les applications, dans les processus, dans les interfaces mais également dans les systèmes d’intelligence artificielle… Entre grandes questions d’ordre éthique ou sociétales et considérations plus marchandes, l’intelligence artificielle vient désormais irriguer l’ensemble des réflexions sur les stratégies d’innovation des entreprises. La relation client étant bien évidemment l’une des fonctions les plus impactées par les apports de l’intelligence artificielle et du machine learning.
D’ici le « big bang » annoncé et la généralisation de formes très évoluées d’intelligence artificielle à tous les étages de l’entreprise, nous pouvons d’ores et déjà vivre des expériences enrichies basées sur ces nouvelles formes d’intelligence relationnelle que sont les bots ou les assistants personnels ou domestiques.
Entre émotions et impératifs de productivité et d’efficience, l’expérience client digitale sera donc cognitive, auto-apprenante et devra proposer un équilibre harmonieux entre l’humain et ces nouvelles formes connectées d’intelligence relationnelles.
Quelles conséquences pour l’entreprise dans un tel contexte ? Dont notamment celles qui porteraient sur cette fameuse « agilité » qui crée l’urgence de la transformation ?
La fréquence et les impacts profonds que génèrent les ruptures imposées par le consommateur entraînent pour les entreprises, un nouveau rapport à l’agilité. Mon propos dans le cadre de cette tribune sera d’explorer d’autres aspects que les définitions courantes liées à l’agilité telle qu’elle peut être décrite aujourd’hui entre « lean », « product owner » ou « features teams » mais plutôt à nous sensibiliser à la nécessité d’ouvrir l’entreprise à une diversité de nouveaux écosystèmes externes afin de venir étendre et enrichir ses propres capacités métier et technologiques. Le cloud peut être un accélérateur significatif dans ce processus de changement culturel, en ouvrant de nouvelles perspectives aux marques en matière de go to market, d’expérimentations ou encore de partenariats …
En arrivant à la conclusion de cette modeste tribune, je réalise finalement avec enthousiasme et ferveur l’étendue du sujet qui s’offre à nous tous. Loin de nous diviser, l’expérience client doit constituer l’enjeu permettant de rassembler durablement marketers, communicants, data scientists, développeurs, designers , créatifs , community managers , commerciaux, service client …Et s’ouvrir pourquoi pas à de nouvelles disciplines telles que la philosophie, la sociologie ou la sémiologie. Cette diversité que j’appelle de mes vœux ne doit pas simplement servir à des arbitrages toujours un peu stériles entre digital et physique, mais bel et bien contribuer à « réenchanter » le réel entre la marque et le consommateur.
Cet article a été conçu et rédigé par Roland Koltchakian : Oracle Marketing Cloud
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